Mort du quatrième pouvoir à Boucherville
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La nouvelle est sortie le jeudi 29 septembre : TC Média a vendu deux hebdos locaux – en l’occurrence La Seigneurie de Boucherville et L’information de Sainte-Julie – au Groupe Messier, propriétaire de La Relève. Ces deux territoires, Boucherville et Sainte-Julie, sont également couverts par La Relève. Peut-on lire : « Motivée par un souci de viabilité financière à long terme, cette décision suit une analyse du marché publicitaire de Boucherville et de Sainte-Julie, explique Katherine Chartrand, directrice des communications externes de TC Transcontinental. Quand plusieurs hebdos locaux servent un même territoire, la situation est difficile en matière de revenus publicitaires parce que les journaux sont en concurrence pour les mêmes dollars. » En clair, cela signifie la disparition de La Seigneurie, journal local ayant fêté ses 50 ans d’existence en 2015 . Ce dernier est avalé par le Groupe Messier. Entendons-nous : La Seigneurie n’est pas l’ombre de ce qu’il a déjà été depuis son acquisition par TC Média. Mais c’était le seul des deux hebdos sur notre territoire qui pratiquait encore à l’occasion le journalisme d’enquête. Pensons à sa couverture de l’explosion des coûts du Café centre d’art, de la contestation du règlement d’emprunt pour le futur complexe aquatique et de la plainte déposée auprès de la Commission municipale du Québec dans le dossier de la nomination de Roger Maisonneuve au poste de directeur général. Rappelons que La Relève a été blâmé par le Conseil de presse du Québec plus tôt cette année pour sa couverture jugée déficiente de deux dossiers d’intérêt public (le complexe aquatique et la nomination de Roger Maisonneuve). L’éditeur-directeur Charles Desmarteau, fils a depuis porté cette décision en appel, et une décision sur l’appel est attendue prochainement. Mme Chartrand résume bien le nœud de l’enjeu : les médias locaux dépendent de la publicité pour survivre et les municipalités représentent une importante source de revenus publicitaires pour eux. Boucherville ne fait pas exception : chaque semaine, la Ville dépense des deniers publics pour faire paraître de multiples publicités de toutes sortes. Coïncidence ou pas, je constate beaucoup plus de publicités municipales dans La Relève que dans La Seigneurie, et ce, depuis plusieurs années. C’est bien connu, l’argent mène le monde et l’argent est le nerf de la guerre en politique. Pourtant, les dossiers d’intérêt pour les citoyens et les contribuables ne manquent pas à Boucherville : suivi des coûts du complexe aquatique en construction, poursuite intentée contre la Ville par Luc Duval (conjoint de l’ex-conseillère Alexandra Capone et employeur du conseiller maintenant indépendant Yan Savaria-Laquerre), congédiement du directeur général du Centre multifonctionnel, Marc Girard, soupçonné de détournement de fonds Qui s’occupera dorénavant du journalisme d’enquête à Boucherville? Chose certaine, la crédibilité du journalisme local sur notre territoire vient d’encaisser un solide coup. Fini le véritable travail journalistique sur le territoire et finies les enquêtes pour aller au fond des décisions municipales et de leurs conséquences. Les pouvoirs municipaux tentent de plus en plus de contrôler le message, de « communiquer la ville », de laisser voir que tout va pour le bien… Taxation limitée et responsable, gestion rigoureuse, participation citoyenne, baisse de la dette, consultations budgétaires… Voilà certains des messages qu’on souhaite transmettre au bon peuple. Nourrir un média local de revenus publicitaires est un moyen efficace de contrôler l’information, car on ne mord pas la main qui nous nourrit. Par conséquent, les seuls qui se réjouiront de l’acquisition de La Seigneurie par La Relève se trouvent à l’hôtel de ville de Boucherville, siège de grands démocrates et promoteurs infatigables de la participation citoyenne [NDLR : pourvu qu’on pense comme eux et qu’on approuve leurs décisions sans jamais les remettre en question]. Le quatrième pouvoir est bel et bien mort à Boucherville et dans la ville voisine de Sainte-Julie. À quand la disparition de l’hebdo local? C’est devenu une sorte de feuillet paroissial au fil des années qui n’est plus d’aucune utilité sur le plan journalistique et qui ne sert plus les intérêts des citoyens qui parcouraient jadis ses pages.